Journal berlinois

Lundi 11 Mai 2009

Toujours sur les traces d'Emmanuel Terray, je pars à Lichtenberg, sur la Frankfurter Allee où se situent les bâtiments qui abritaient le siège de la Stasi. La Deutsche Bahn occupe désormais une grande partie de l'énorme pâté d'immeubles absolument insipides où, durant des années, des milliers de fonctionnaires zélés ont fiché et harcelé leurs compatriotes pour la bonne marche du Parti.
Je ne trouve pas l'entrée du musée sur la Normannenstrasse, juste une plaque commémorative. Déçu, je retourne à Kreuzberg sous une pluie intermittente.
Aux beaux jours éclosent à Berlin ce que l'on appelle ici les Freiluft Kinos, qui ne sont pas des fleurs mais des cinémas en plein air. Kreuzberg a le sien, dissimulé dans un petit parc qui pourrait passer pour une immense cour d'immeuble. Ce soir, on y projette BE HAPPY de Mike Leigh. Je me fais une joie de voir ce film, mais lorsque j'arrive, je découvre que je suis le seul spectateur potentiel à se présenter. « Le premier », corrige le jeune homme au guichet. La séance débute dans 15 minutes, rien ne bouge alentour. 15 minutes plus tard, la situation est identique. J'abandonne lâchement le guichetier, malgré son offre de ristourne d'un Euro et d'un billet gratuit pour un prochain film. Je ne me sens pas de voir BE HAPPY seul dans ce carré de nuit, sur un immense écran, au milieu de sièges en plastique vides.
Je vais zoner sur Oranien Strasse où je m'offre une bière au Lucia sur Oranien Strasse, bar à la mode où l'on s'avachit sur des sièges fatigués, chinés au marché aux puces, entre des murs à vif. La salle est archi-bondée. Les plus audacieux peuvent s'installer sur la mezzanine du fond, où l'on accède par une petite échelle amovible. La population est jeune et blanche. Une grande femme qui pourrait être belle se saoule dignement au bar. On fume beaucoup en terrasse et aucune cloison ne la sépare de la salle. À Berlin, on recommence tranquillement à fumer dans les lieux publics.