Au fil du temps

Sous couvert d'influences

Octidi 18 Ventôse CCXXX
(mardi 8 mars 2022)

 

Quelles sont les artistes qui vous ont influencé?
Voilà bien une question récurrente qui ne cesse de revenir au gré des interviews. Souvent la réponse est mécanique. On a une liste fondamentale en tête que l'on aménage selon le contexte. Face à un journaliste rock, je vais citer Creedence Clearwater Revival, Doctor Feelgood, les Stooges… En compagnie d'un adepte de la chanson française, ça va être Brel et Gainsbourg. Jacques Dutronc jeune et Nino Ferrer jouent sur les deux tableaux. Tous ces noms sont plutôt bien reçus et suffisamment connus pour servir de repères au plus grand nombre. Ils ne sont que la vitrine de la vérité.

Ma première influence a été le poste de radio. De l'enfance à l'adolescence, j'aimais quasiment toutes les chansons que je pouvais y entendre. Des chansons de Pierre Perret, Eddy Mitchell, Johnny Hallyday, des tubes disco m'ont marqué durablement. Les Chaussettes Noires et les twisteurs yéyé ont été une source d'inspiration majeure quand j'ai voulu monter un groupe. Ce n'est pas très glorieux dans un CV. De même que Status Quo. Il vaut mieux citer le Velvet Underground. J'écoutais Status Quo en boucle dans les 70's. Je trouvais leur boogie ravageur. Je les ai réécoutés récemment, il ne m'en reste rien. C'est fou.

Par contre je suis toujours ému par les premiers albums de Van Der Graaf Generator et ceux de son chanteur Peter Hammill. Là, je peux dire, même si ça ne s'entend pas, qu'ils imprègnent mes mélodies et ma façon de chanter. Le premier album de Gérard Manset m'a laissé des traces. Je le revois encore en 1968, chanter « Animal on est mal » et « La toile du maître » à la télé dans l'émission Discorama. Plus tard j'ai eu un ami, fan absolu de Manset, qui m'a initié à son oeuvre. J'ai tenté de tout aimer, je ne retiens que quelques morceaux, mais ils sont bien enracinés. Le romantisme des Moody Blues, en particulier leur album In Search Of The Lost Chord, acheté par hasard à l'âge de treize ans, m'habite en permanence.

Lorsque j'ai entendu David Bowie la première fois, je ne me doutais pas qu'il me marquerait autant musicalement. J'étais alors plus Roxy Music que Bowie. Aujourd'hui, son premier album chez Decca, le suivant chez RCA (avec Space Oddity), Station To Station squattent mes neurones. Ils ont structuré ma manière de composer. De même que certaines chansons d'Elton John, telles que « Daniel » ou « Tonight ».

Il y a aussi des concerts saillants. Ils ne sont pas si nombreux. Je cite souvent celui de Doctor Feelgood à la Bourse du Travail de Lyon en 1975 qui a chamboulé ma vision du rock. Il faudra que j'attende plus de quinze ans pour être à nouveau bluffé. Durant ces quinze ans, je verrai pléthore de concerts, je passerai aussi beaucoup de temps sur les planches. Je vais connaître les ficelles du métier, ça devient difficile de m'épater, même si je prends du plaisir à voir des spectacles. Étonnamment ce ne seront pas des grands événements qui vont le plus me chambarder.

En 1990, je suis en tournée en trio acoustique. C'est la première fois que je me produis sans un mur sonore pour me donner de l'assurance. Je découvre étonné que ça plaît, mais je cherche encore mes marques. Aux Transmusicales de Rennes, je vois Luka Bloom, un inconnu sur une grande scène, seul avec sa guitare folk. Il joue et chante comme s'il était accompagné par un groupe de rock. Du coup, j'entends le groupe quand il chante! Je découvre le secret de la conviction: il faut le croire pour le voir!
Plus tard, Ce sera Marianne Faithfull qui me clouera sur mon siège. Sobrement accompagnée de musiciens discrets, sans jeux de lumières apparents, elle alterne des chansons à vous tordre les tripes avec des intermèdes tout en sourire caressant. Ni racolage ni cabotinage, juste sa présence captivante.
Je finirai par Thierry Romanens, chanteur et comédien, devenu ami après qu'il m'ait demandé de lui écrire des textes (la musique de « Cash », c'est lui). J'avais vu plusieurs fois Thierry sur scène et j'appréciais son entrain à l'aborder. Un jour, il a adapté avec le groupe Format A3, des poèmes d'Alexandre Voisard, entre lecture et concert. Une leçon de naturel.

J'oublie dans mon énumération la playlist de l'inconscient à laquelle je n'ai pas accès, mais qui compte autant que les citations précédentes. Je serais curieux de l'entendre un jour. Peut-être existe-t-il des Dj-psys qui pourraient m'aider à l'exhumer.