Au fil du temps
ET LA MUSIQUE ALORS ?
Duodi 22 Fructidor CCXXXIII
(lundi 8 septembre 2025)
Mon dernier concert remonte au 7 février 2024. Ceux qui suivent le savent, c'était au Radiant à Caluire. Concert mémorable. J'avais annoncé que c'était le dernier avant longtemps parce que j'avais besoin de me consacrer entièrement à ma nouvelle BD au long cours. Mais aussi parce que le milieu musical dans lequel j'évolue depuis mes débuts a beaucoup changé. Je ne le reconnais plus, je ne m'y reconnais plus. M'y reconnait-on encore ? Ce n'est guère certain. Des idées musicales m'occupent encore l'esprit, mais elles ne veulent plus en sortir. Trop de contraintes les guettent à la première note émise. Contraintes budgétaires, promotionnelles, calendaires. Les employés de maisons de disques ne sont plus de joyeux disquaires et musiciens passés aux manettes, mais sortent désormais des écoles de commerce. Idem dans la production de concerts. Le risque zéro prédomine comme dans bien des pans de notre vie. Tout n'est que mesure et comptabilité. On conseille aux jeunes artistes de devenir auto-entrepreneurs. Mon milieu musical est bel et bien une industrie désormais. Le désir spontané a perdu la partie.
Je ne m'y fais pas. Je n'ai pas envie non plus. La résilience n'est pas de la résignation. Plutôt que d'accepter, j'esquive. Je fréquente en spectateur d'autres milieux musicaux, des mondes parallèles, la marge et l'underground. Peut-être n'y ai-je aucun rôle à jouer, mais je m'y sens bien.
J'en profite aussi pour mettre au clair mes archives sonores. Que puis-je en faire ? Que me permet l'industrie musicale ? Plus jeune j'ai signé des contrats faustiens avec elle. Longtemps après certaines clauses survivent à leur expiration et contrarient ma liberté d'action. Politesse et diplomatie aidant, des arrangements finissent par aboutir.
C'est ainsi que sortira le nouveau CD de l'Intime Collection, disponible comme d'habitude uniquement sur la boutique du site officiel et en tirage limité. Des mois de pourparlers avec des juristes le rendent d'autant plus précieux. J'ai un plaisir énorme à partager ces enregistrements qui ne sont en rien des fonds de tiroir. S'ils paraissent, c'est que je leur trouve un réel intérêt musical. Et aussi sentimental, bien entendu.
La musique, c'est de l'émotion avant tout, une notion désuète semble-t-il. Tant pis. Continuons à l'aimer ainsi, tels des zazous clandestins dans les caves du commerce mondial.