Au fil du temps

Musique à réaction

Duodi 22 Brumaire CCXXX
(Vendredi 12 novembre 2021)

 

Mon ami François Bréant, dont je vantais dans la dernière newslettre les savoureuses chroniques de sa page Facebook, en a consacré une à notre rencontre et nos collaborations. Il l'accompagne d'une réflexion sur le paysage musical de la fin des 70's. François voit l'émergence du punk-rock comme une mode téléguidée par des journalistes spécialisés, en réaction à la « babacool » attitude régnante de l'époque.

Je ne le suis pas dans cette analyse. Cette réaction n'était pas préfabriquée, par contre elle était prévisible. Elle s'est mise à bouillonner dans le coeur d'adolescents post-psychédélisme en manque d'un nouvel exutoire. J'étais l'un d'eux. Il y avait un décalage criant entre les envolées de Genesis, Yes et consorts et les préoccupations de jeunes banlieusards. Les Stones, les Who et Led Zeppelin, devenus rockstars de la jetset, ne canalisaient plus la tension née de l'ennui qui couvait dans les zones urbaines. C'était aussi les icônes des grands frères, il nous fallait les nôtres. C'est ainsi de tout temps. Action/réaction est le moteur pas toujours heureux de l'évolution des mentalités.

Le terme « punk » est sans doute une invention journalistique et quelques jeunes Parisiens opportunistes en ont joué, mais ce qu'il désignait était latent. Starshooter se découvre punk dans le premier article de Rock'n'Folk où nous sommes cités. Avant cela nous étions juste un petit groupe de rock'n'roll. Mais par notre attitude, notre goût de la provocation, nos maladresses musicales planquées sous des accords brutaux joués à tout berzingue, nos textes à ras le bitume, oui, nous ne déparions pas dans cette nouvelle mouvance. Le punk rock originel n'a duré que le temps de son explosion, mais il a revigoré le rock indéniablement. On avait des manières de barbares, je le reconnais.

Ce qui m'émouvait hier, je le condamnais alors au pilori. Ou le gardais bien caché dans le recoin d'une confidence. J'affichais une sévérité malhonnête à l'égard de la chanson française que je jugeais intello et dépassée (la scène engagée) ou mièvre et putassière (la variété). Gainsbourg, Higelin, Lavilliers étaient bien les seuls à surnager dans mon dédain de façade. Vu ainsi, mon virage vers la chanson française quelques années plus tard s'apparente au retour du refoulé. C'est certain.

Le rock autant que la chanson m'habitaient depuis l'enfance, ils m'ont biberonné. Dès lors mon coeur a balancé selon mes humeurs entre les deux genres. Si aujourd'hui ils ne sont plus mes seuls pôles d'intérêt musicaux, c'est toujours dans leurs terres que je braconne quand l'inspiration sort du bois. À dire vrai, les débats de genres me gonflent. D'autant qu'aujourd'hui tous les styles ont voix au chapitre par la mondialisation numérique qui rend précaire l'information des magazines à l'ancienne. Doit-on s'en réjouir? Selon la dernière rumeur algorithmique, la K-Pop serait la nouvelle révolution musicale. Tiens, je vais réécouter Yes et Genesis !