Au fil du temps
Cap sur 2019
Jeudi 3 Janvier 2019
(Quartidi 14 Nivôse CCXXVII)
La fin de l'année 2018 a coïncidé avec l'achèvement de la tournée La Grande Effusion.
Mon roman Peine Perdue est sorti en librairie le 2 janvier. C'est la première fois qu'un de mes changements de cap colle si bien au calendrier. Est-ce un signe ? Serai-je en phase directe avec le temps qui passe ? Pas tout à fait.
J'ai un autre projet hors musique, commencé il y a un an et demi, qui sera mené à terme dans le courant de la nouvelle année. Je participe aussi au prochain film d'animation de Franck Dion . La création artistique, c'est comme la marche à pied : un état de déséquilibre permanent qui nous oblige à avancer pour éviter de chuter.
Le dernier concert de la tournée s'est déroulé à Lyon et c'était formidable. Pour des raisons qui me dépassent, mon tourneur a eu un mal de chien à organiser une date dans ma ville natale. Finalement, c'est tant mieux. L'attente a payé. De mon côté, ce fut une soirée mémorable – quel beau public ! - et les échos qui m'en parviennent encore me confirment qu'elle le fut pour beaucoup de monde. Des concerts pareils, je n'en fais pas tous les jours. Il y a toujours de l'anxiété à être à la hauteur d'un événement annoncé. On reste à la merci de problèmes de dernière minute qui peuvent perturber l'instant. La veille, je chantais à Ivry sur seine et je me suis cassé la voix car je m'entendais mal. À deux heures du matin, j'étais en quête d'une pharmacie de garde dans Paris alors que je rêvais d'une bonne nuit de sommeil. Ce désagrément n'eut aucune incidence sur mon chant le lendemain. Ou peut-être que si. Peut-être que, sans cette défaillance, j'aurais été moins concentré et j'aurais moins bien chanté. Allez savoir ! Lorsqu'on atteint un but avec succès, il faut se demander si les avatars subis en chemin n'ont pas concouru, à leur façon, à la réussite.
Depuis plusieurs années maintenant, lorsque se termine une aventure musicale, j'ai la tête vide, je n'ai pas de suite à lui donner. Je pense que c'est la dernière. Je ne suis plus désemparé par cette idée comme ce fut le cas les premières fois où elle m'a traversé l'esprit. Je l'ai apprivoisée. Cela ne m'effraie plus. Ma vie a changé, je ne suis plus addict au métier de chanteur. Cela aura pour avantage de m'éviter de devenir un automate. J'envisage désormais des flâneries sans mauvaise conscience, c'est appréciable.
Depuis mes dix-huit ans, je mène librement ma vie. Ce ne fut pas aisé tous les jours, mais c'est ma vie, pas un pis-aller, pas un arrangement avec la nécessité. Quand j'observe autour de moi, je réalise la chance que j'ai eue jusqu'à présent. Parfois je m'envie, dit-il en bourrant sa pipe, le regard perdu vers les flammes du foyer rougeoyant dans la cheminée, en cette soirée du Nouvel An 2019.