Au fil du temps

Homo durabilis

(mercredi 16 avril 2008)

 

Début avril, j'étais invité au débat d'ouverture du festival Sciences Frontière à Marseille ayant pour titre et sujet L'HOMO DURABILIS.

Sous-entendu : l'Homme est-il fait pour durer, va-t-il disparaître ou trouver comment se sortir de ce besoin fou d'asservir et détruire son environnement. À la tribune Pascal Picq, Yves Paccalet, Jean-Marie Pelt, André Picot, entre autres exposent avec plus ou moins d'ironie leurs doutes quant à notre capacité à nous remettre fondamentalement en question. Tous s'accordent à dire que, quoi qu'il en soit, l'Humanité est vouée à disparaître tout comme les dinosaures. C'est dans la nature des choses. Ce qui l'est moins, c'est la rapidité à laquelle cela risque d'arriver puisque, contrairement à nos imposants prédécesseurs, nous dévorons à belles dents la planète et bouleversons son fragile écosystème. Brontosaures, diplodocus, ptérodactyles et consorts ont vécu paisiblement 60 millions d'années avant qu'une météorite fatale joue au bowling dans leur jardin. L'être humain, après seulement 200 000 ans d'existence, se pose déjà la question de sa durée de vie face aux signes avant-coureurs de possibles bouleversements catastrophiques causés par son inconséquence. Bien sûr, les dinosaures n'ont pas inventé la roue ni l'allume-cigare et c'est peut-être à cela qu'ils doivent leur longévité. Il faut savoir ce qu'on veut. Le progrès, merde, c'est pas rien ! On expérimente, on se trompe, on commet des bévues, mais on avance, non ? Non ?

Bien entendu. Est-ce qu'il fallait se priver de E=MC2 pour éviter la bombe atomique ? Impossible. L'Homme cherche, trouve et dispose. On peut juste se demander naïvement tous les jours pourquoi, depuis Hiroshima, depuis la prise de conscience universelle de nos tares que fut la seconde guerre mondiale pour les civilisations avancées, les intérêts individuels, industriels et nationaux priment encore dans nos rapports avec autrui. Ambition, arrivisme, réussite, conquête, territoire sont mis en avant et encouragés par tous les gouvernements politiques du monde. Par ce vocabulaire plaqué or, on se place au-dessus du règne animal et végétal. Or ces mots ne sont que des mots d'excuses qui camouflent des comportements de mâles babouins dominants. Ce qui nous différencie véritablement des autres espèces avec qui nous partageons la planète, c'est notre capacité à flinguer tout ce qui bouge, y compris nous-mêmes, pour le plaisir de faire un carton. Bien entendu, tous les individus ne sont pas comme tels, mais si nous nous sentons solidaires du génie humain, il faut savoir aussi partager sa connerie.

Revenons au débat sur la scène du Palais du Pharo à Marseille.
- L'homme est-il durable ?
- Non.
D'accord.
- Sa fin est-elle proche ?
- Ça dépend de son bon vouloir et il n'en a pas.

Ce qui m'a frappé alors, c'est de voir des scientifiques avertis, écologistes de longue date qui quelques années auparavant affichaient un bel optimisme, avouer publiquement leur désarroi. Les plus positifs disaient : "Je crois... J'ai espoir... J'ai foi... À moins d'un miracle..." Le futur devenait mystique. On en parlait comme de l'existence de Dieu. Dieu existe ou n'existe pas, rien ne le prouve, c'est une question de foi. Il en va de même aujourd'hui pour notre futur.

En trois décennies, l'écologie est passée du champêtre au tragique. Ceux qui la pratiquent aujourd'hui en connaissance de cause savent qu'elle n'est plus là que pour enrayer la barbarie et affronter avec humanité les catastrophes à venir. La planète s'en sortira toujours, pour l'Homme, c'est raté.

J'ai la nostalgie de l'avenir.